Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

© FrankvandenBergh/iStockphoto

Changement climatique

“Y’a plus de saisons !”

Nicolas Tenaillon publié le 29 mai 2022 4 min

Avec les différents records de chaleur enregistrés ces vingt derniers jours, l’été semble avoir pris la place du printemps. À moins que ce ne soit l’automne, puisqu’on voit maintenant des feuilles tomber des arbres en plein mois de mai ? Si la cause de ce dérèglement climatique est connue, ses effets sur les habitudes humaines restent à comprendre. Car la confusion des saisons ne nous oblige pas seulement à modifier nos pratiques vestimentaires : elle remet en cause un certain nombre de croyances millénaires relatives à l’ordre de la nature. Faut-il s’en inquiéter ?

 

  • Il est banal de dire que les saisons rythment notre existence. Déjà Hésiode, au VIIIe siècle avant notre ère, rappelait dans Les Travaux et les Jours que notre activité doit se régler sur la nature. C’est par exemple « quand à la fin de l’automne Zeus fait tomber la pluie, qu’il faut songer à couper du bois ». Mais plus que la périodisation de notre activité, le rythme lent de la succession des saisons imprime en nous un certain mode d’être. Dans les zones tempérées, ce cycle en quatre temps, répété des dizaines de fois dans une vie humaine (lorsqu’elle s’achève par une mort naturelle), a un effet structurant et apaisant. En effet, le retour des saisons adoucit notre vieillissement. Le printemps donne l’illusion du recommencement et contribue à affermir notre goût de la vie.
  • C’est peut-être pour cette raison existentielle que de nombreux philosophes ont manifesté leur attachement à ce cycle et déploré sa remise en cause. Ainsi, par exemple, au début de la révolution industrielle, Rousseau constatait avec dépit que « tout dégénère entre les mains de l’homme. Il force une terre à nourrir les productions d’une autre, un arbre à porter les fruits d’un autre ; il mêle et confond les climats, les éléments, les saisons » (Émile, 1762). Mais ce n’est pas par simple conservatisme qu’on s’attache aux saisons. En instituant le calendrier républicain le 15 vendémiaire de l’an II (soit le 6 octobre 1793), les révolutionnaires suggéraient qu’il n’y a pas de progrès de la raison possible sans respect des rythmes naturels : il faut donner au citoyen des repères qui ne sont pas ceux des aléas de l’histoire ou des fictions mythologiques.
  • De fait, nivôse, pluviôse et ventôse décrivent mieux les mois d’hiver que ne le font décembre, janvier et février. Mais l’échec du calendrier révolutionnaire (aboli en 1806 et brièvement rétabli sous la Commune) symbolise à sa manière ce que redoutait Rousseau : convaincus de leur puissance, les hommes ne veulent plus faire de la nature la source de leurs repères existentiels. Le philosophe Henry David Thoreau aux États-Unis, Heidegger en Allemagne, déploreront à leur tour, en se retirant momentanément dans la nature (l’un dans le bois de Walden, l’autre dans son chalet de Todtnauberg au beau milieu de la Forêt-Noire), l’engouement technophile de leur contemporain qui brise les rythmes naturels et nous fait perdre de vue le sens des valeurs ayant jusque là défini notre condition humaine. 
  • Est-ce à dire que la confusion des saisons, aujourd’hui tangible, nous condamne à perdre nos repères ancestraux pour nous guider dans la vie ? Peut-être pas. Car ce qui différencie la confusion des saisons d’autres pertes de repères (comme la désaffection pour les rites religieux ou pour les échéances politiques, ou encore les possibilités offertes par la mondialisation de manger des fruits exotiques en hiver ou de skier en été dans l’hémisphère sud), c’est qu’elle affecte directement notre corps, malgré nous. Continuer à bronzer à la fin de l’automne, grelotter en été, attraper un rhume des foins en hiver… ces réactions du corps inédites, désynchronisées par rapport aux habitudes qu’il a pu contracter depuis des siècles, signalent dans notre chair que notre être-au-monde est en train de se modifier. La biologiste américaine Rachel Carson, pionnière de la pensée écologique, parlait en 1971 de « printemps silencieux » parce que, craignait-elle, un jour viendrait où l’usage du DTT tuerait tous les oiseaux. Mais aujourd’hui, le printemps est plutôt devenu bruyant – parce que les cigales y chantent prématurément et que les bois crépitent des incendies de forêt qu’on attendait pour l’été.
  • Le décalage des saisons est désormais une réalité vécue et non plus seulement une information statistique diffusée par les médias. Cette pression du monde sur le corps ne peut laisser la pensée indifférente. Et c’est là peut-être sa chance. Elle l’incite en effet à refonder ses propres repères, à espérer découvrir de nouveaux rythmes dans la nature en postulant qu’elle ne se dérègle pas totalement. Car si tel était le cas, c’est la notion même de repère qui deviendrait caduque, et les rythmes saisonniers n’auraient plus pour nous que la saveur de lointains souvenirs…
Expresso : les parcours interactifs
Joie d’aimer, joie de vivre
À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
3 min
La catastrophe climatique à feu doux
Ollivier Pourriol

Oscar du meilleur film documentaire en 2006, Une vérité qui dérange, film états-unien réalisé par Davis Guggenheim en 2006, repose sur la prestation d’Al Gore, ancien vice-président des États-Unis (1993-2001), dans sa croisade…


Article
1 min
“J'agis pour le climat” (Marabout)
15 septembre 2020

À l’occasion de la sortie de notre hors-série Philosophie du réchauffement climatique, tentez de gagner le livre J’agis pour le…

“J'agis pour le climat” (Marabout)

Article
4 min
Les alternatives face au réchauffement climatique
Octave Larmagnac-Matheron

Pour imaginer des alternatives au réchauffement climatique, les esprits bouillonnent. Panorama des pistes envisagées, de l’écocapitalisme à la décroissance et l’écoféminisme.


Article
12 min
L'esthétique environnementale face au changement climatique
Alexandre Lacroix

La déplétion des écosystèmes terrestres et le réchauffement climatique secouent l’esthétique environnementale, une discipline méconnue qui a pris son essor il y a quelques décennies. Et posent une question de fond : notre…


Article
10 min
Le ciel appartient-il à tout le monde ?
Alexandre Lacroix 28 octobre 2020

Modifier la météo en fonction de nos besoins… un projet d’autocrate, un rêve de science-fiction ? Non, une réalité ! La France est d’ores et déjà…

Le ciel appartient-il à tout le monde ?

Article
6 min
E. Cappellin : “Prendre conscience de la crise climatique passe par une alliance d’émotion, d’information et de courage”
Hannah Attar 03 octobre 2021

Avec son premier film, le documentaire Une fois que tu sais, le réalisateur Emmanuel Cappellin nous entraîne dans une quête scientifique,…

E. Cappellin : “Prendre conscience de la crise climatique passe par une alliance d’émotion, d’information et de courage”

Article
2 min
Nuls en calcul
Isabelle Sorente 24 septembre 2012

Avec la prise de conscience du réchauffement climatique, les économistes se voient mis au défi de prendre en compte la rareté des ressources naturelles. Mais comment estimer le coût d’une sécheresse, d’une tempête ou encore de la…


Article
14 min
Avons-nous jamais été maître de la nature ?
Alexandre Lacroix 01 octobre 2012

Changement climatique, extinction des espèces, érosion des sols, pollution… C’est parce que l’Occident a rêvé l’homme en “ maître et possesseur” de la nature, qu’on en est arrivé à la crise actuelle. Nous n’en sortirons qu’en révisant…


À Lire aussi
Jouez et tentez de remporter un coffret des Manifestes du Muséum national d'Histoire naturelle
Jouez et tentez de remporter un coffret des Manifestes du Muséum national d'Histoire naturelle
novembre 2023
De Smith à Simmel, les métamorphoses du “pouvoir d’achat”
De Smith à Simmel, les métamorphoses du “pouvoir d’achat”
Par Antony Chanthanakone
juin 2022
Orchestre National de Lille : concert d’ouverture de saison 2023
août 2023
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. “Y’a plus de saisons !”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse