Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Kamisaka Sekka (1866-1942), “Neige tourbillonnante”, gravure sur bois, 1909. Rijksmuseum, Amsterdam. © Bridgeman Images

Vie quotidienne

Pourquoi parlons-nous si passionnément du froid qu’il fait ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 13 décembre 2021 3 min

« Il fait froid aujourd’hui », « belle journée pour un mois de décembre », « quel temps de chien » : les remarques sur la météo ponctuent toutes nos journées et presque tous nos échanges. Nous nous en agaçons parfois. N’est-ce pas une manière de combler un silence qui menace de rompre la discussion ? Personne n’écoute vraiment cette enfilade de phrases qui n’appellent aucune réponse. Pourtant, nous finissons tous, tôt ou tard, par recourir à ces détours rhétoriques. Signe, peut-être, que la pluie et le beau temps ont plus d’intérêt qu’il n’y paraît. C’est ce que pensait le philosophe japonais Tetsurō Watsuji (1889-1960). 

 

  • L’expérience du froid est l’exemple directeur que mobilise Tetsurō Watsuji au début de son maître ouvrage Fûdo (1935). Pour le penseur nippon, « nous sentons le froid. Ce qui veut dire : nous sommes sortis dans le froid. Donc, dans le fait de sentir le froid, nous trouvons notre soi dans le froid lui-même. Cela, cependant, n’est pas trouver là un soi que nous aurions au préalable transposé dans le froid. Dès lors que le froid nous apparaît, nous sommes déjà nous-mêmes sortis dans le froid. » (Traduction : Augustin Berque)
  • Il n’y a pas, d’un côté, nous-mêmes, et de l’autre le froid, d’un côté le sujet et de l’autre le monde : c’est par l’exposition au milieu (Fûdo), à ses variations climatiques en particulier, et non par un effort d’introspection, que nous prenons conscience de nous-mêmes. C’est « en tant qu’êtres-sortis-au-dehors » que « nous faisons face à nous-mêmes ». « Notre propre manière d’être […] a pour caractère le fait d’être “sortis au dehors” », sur la scène du monde. Exister, c’est toujours ek-sistere, se tenir au dehors, comme le souligne la phénoménologie de Heidegger, dont Watsuji a suivi l’enseignement dans les années 1920.
  • Mais il est une autre raison, indissociable, pour laquelle nous parlons de nos expériences climatiques : non pas pour nous ressaisir nous-même, mais pour attester de notre communauté avec les autres. « C’est que ce n’est pas moi seulement, mais nous qui faisons cette expérience. Nous sentons en commun le même froid. Les façons différentes, propres à chacun de sentir le froid, ne sont possibles que sur ce sol : sentir en commun le froid. Sans un tel sol, il serait tout à fait impossible d’avoir connaissance qu’autrui éprouve du froid. De ce point de vue, ce qui est sorti dans le froid n’est pas seulement le moi, mais le nous. Ou plutôt, c’est le moi en ce qu’il tient du nous, le nous en ce qu’il tient du moi. »
  • Se tenir au dehors, c’est toujours se tenir au sein d’un milieu englobant qui n’est pas le nôtre exclusivement, mais qui constitue un espace d’expérience partagé par d’autres. Être ensemble avec autrui s’éprouve précisément dans l’exposition commune aux aléas climatiques qui nous affectent. Cette présence commune, au moins virtuelle, d’autrui, fait partie de la structure même de l’ek-sistence, car il n’est pas d’existence sans un milieu d’existence plus large que nous-mêmes : « la structure du “sortir au dehors” existe aussi comme un sortir-dans-les-autres-moi avant même d’être un sortir dans une “chose” telle que l’air froid. »
  • « Voilà justement pourquoi nous pouvons employer dans nos salutations quotidiennes des mots qui expriment le froid. Voilà justement pourquoi, sans en passer par une procédure telle que tourner notre regard sur l’état psychologique d’autrui, nous échangeons directement, au sein de notre entre-lien, des salutations comme “joli temps, hein”, “ça s’est mis au beau”, etc. Sortis ensemble dans l’air du matin, nous sommes chargés ensemble d’une certaine manière d’être. » Parler de la pluie et du beau temps est le révélateur, souvent involontaire, et parfois agaçant, d’un trait fondamental de notre être, à la fois profondément évident et radicalement inépuisable. Raison pour laquelle nous y revenons sans arrêt !
À lire aussi : Tetsurō Watsuji et la philosophie des cerisiers en fleurs
Expresso : les parcours interactifs
Popper et la science
Avec Popper, apprenez à distinguer théorie scientifique et pseudo-sciences, pour mieux débusquer les charlatans et (enfin) clouer le bec à ce beau-frère complotiste !
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
4 min
L’œuvre au noir de Martin Heidegger
Octave Larmagnac-Matheron 29 avril 2021

Le troisième volume des « cahiers noirs » de Martin Heidegger paraît aujourd’hui. Dans ces cahiers XII à XV, on découvre un penseur…

L’œuvre au noir de Martin Heidegger

Article
5 min
Les philosophes et l’hiver
Octave Larmagnac-Matheron 22 janvier 2021

L’hiver, plus belle saison de l’année ? C’est bien l’avis de Thoreau, Baudelaire ou encore Emerson. Florilège de leurs odes à la glace, à la…

Les philosophes et l’hiver

Article
4 min
Vincent Van Gogh / Martin Heidegger : un monde dans les souliers
Barbara Bohac 26 septembre 2012

Des vieilles chaussures peintes par un fou ? Oui, mais qui révèlent à Martin Heidegger rien moins que la vérité des choses et le lien qu’elles entretiennent avec le monde où nous vivons.


Article
1 min
Fūdo / 風土
Nicolas Tenaillon 20 août 2019

Langue d’origine : japonais


Article
3 min
Les féministes et la Commune en quatre extraits
Octave Larmagnac-Matheron 27 mars 2021

La Commune de Paris est sans nul doute la grande révolte prolétarienne du XIXe siècle. Que pensèrent de cet événement inédit les…

Les féministes et la Commune en quatre extraits

Article
18 min
Heidegger, l’être-pour-le-Reich
Martin Legros 24 avril 2014

La récente publication des « Cahiers noirs » de Heidegger fait l’effet d’une bombe : le philosophe met explicitement les concepts fondamentaux de sa métaphysique au service d’un antisémitisme désastreux. Au risque d’invalider l’une des…


Dialogue
13 min
Camille Froidevaux-Metterie/Claude Habib : trans clash
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021

Le sujet divise et les avis sont tranchés, au-delà même des personnes concernées, notamment parmi les féministes : l’expérience des personnes…

Camille Froidevaux-Metterie/Claude Habib : trans clash

Article
3 min
Claude Martin : “L’État ne doit pas se défausser de ses responsabilités sur les familles”
Alexandre Lacroix 09 janvier 2024

Après les émeutes de jeunes des quartiers difficiles déclenchées par la mort de Nahel l’été dernier, le gouvernement songe à étendre la…

Claude Martin : “L’État ne doit pas se défausser de ses responsabilités sur les familles”

À Lire aussi
Susan Wolf : “S’engager passionnément dans une activité ne suffit pas, il faut que ça en vaille le coup”
Susan Wolf : “S’engager passionnément dans une activité ne suffit pas, il faut que ça en vaille le coup”
Par Victorine de Oliveira
octobre 2023
Test : êtes-vous kantien, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ou pas du tout ?
Test : êtes-vous kantien, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ou pas du tout ?
Par La Rédaction
mars 2024
Hegel / “Phénoménologie de l’esprit” (1807)
février 2020
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Pourquoi parlons-nous si passionnément du froid qu’il fait ?
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse