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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Photogramme d’“Alice au pays des merveilles” (Clyde Geronimi et Wilfred Jackson, 1951, d’après le roman de Lewis Carroll). © Walt Disney/Collection ChristopheL

Le réflexe socratique

Pourquoi se dépêche-t-on ?

Michel Eltchaninoff publié le 08 décembre 2021 4 min

« En r’tard, en r’tard / J’ai rendez-vous que’que part / Je n’ai pas le temps de dire au revoir / Je suis en r’tard, en r’tard »… Eh oui, nous sommes tous comme le lapin d’Alice au pays des merveilles. Tant de choses à faire avant Noël : dossiers à boucler avant les vacances… billets à réserver… et tous ces cadeaux à acheter ! Nous manquons de temps, c’est un fait. Mais pourquoi nous gâchons-nous parfois la vie à courir, à foncer, au risque de tout mal faire et de ne jouir de rien ? Voici ce qu’en disent les philosophes Lucrèce, Bergson et Hartmut Rosa.

 

Parce qu’on se soumet à l’accélération généralisée

La première explication est sociale : si nous nous dépêchons tellement, c’est parce que le monde ne nous attend pas. Il faut courir pour être dans le rythme. Dans le monde ancien, il fallait seulement s’acheminer – à son allure propre – vers un but : le bonheur, l’excellence, ou encore une forme de vérité. Dans le monde moderne, il a fallu ensuite produire, de plus en plus. Mais depuis quelques décennies, il faut en outre s’adapter à l’accélération des transports et des moyens de communication (avion, TGV, notifications incessantes sur smartphone…) et changer de métier plusieurs fois dans une même vie. Bref, toujours bouger, progresser. Le paradoxe est que plus nous disposons de temps libre, plus nous avons l’impression de ne plus avoir le temps d’en jouir. Même les rares moments de calme deviennent des instants de « décélération stratégique », comme l’analyse le penseur allemand Hartmut Rosa dans son livre Accélération (La Découverte, 2013). On « recharge les batteries » pour repartir au quart de tour… 

  • La seule solution pour ne pas finir aliéné, la tête en bouillie ? Apprendre à se raccorder au présent et aux autres. Comme écrit encore Hartmut Rosa, « entrer en résonance » avec le monde. Dépêchons-nous de nous arrêter !

 

Parce qu’on se trompe de priorité

Se dépêche-t-on vraiment pour des choses qui en valent la peine ? Selon les philosophes épicuriens, nous nageons en plein paradoxe ! Le poète romain Lucrèce s’en fait l’écho dans De la nature (De rerum natura). D’un côté, nous nous pressons de nous gâcher la vie pour des choses qui ne nous rendent pas heureux. Notre fébrilité nous pousse à briguer des postes, à intriguer pour les obtenir, à désirer tout ce qui passe sous notre regard : nous nous dépêchons de passer d’un objet à l’autre sans prendre le temps d’en jouir. Or, cette inquiétude permanente nous gâche la vie. Elle représente un souci, que Lucrèce appelle cura, qui nous torture perpétuellement. L’exégète d’Épicure assigne une cause à cette précipitation malheureuse : si nous nous agitons tant, c’est parce que derrière ces biens à acquérir sans relâche se cache une crainte plus profonde, celle de la mort et des dieux. Vanité de l’existence, qui vise à répondre à une angoisse existentielle par une prétendue réussite matérielle…

  • Alors, conseillent les épicuriens, hâtons-nous plutôt d’obtenir la sérénité. Assurons-nous que la mort n’est rien et qu’aucun châtiment ne la suit. Apprenons à jouir dès maintenant de l’affection de nos amis, de la beauté de la nature et des modestes plaisirs que la vie nous apporte sans trop d’efforts. Bref, dépêchons-nous d’être heureux !

 

Parce qu’on n’écoute pas sa durée intérieure

Selon Henri Bergson, l’être humain, et surtout l’humain moderne, a transformé le temps en chronomètres et en calendriers. Nous avons, dit-il, changé le temps en espace pour le mesurer et le fixer avec précision. Si nous nous dépêchons en permanence, c’est parce que nous nous soumettons à des nombres et à des schémas : arriver à l’heure, rayer toutes les mentions de sa to-do list, planifier le futur. C’est évidemment utile, mais cela nous fait souvent oublier ce qu’est le temps dans sa substance propre, que l’on ne peut pas spatialiser. Dans ses Essais sur les données immédiates de la conscience (1889), le philosophe affirme que, quand nous fixons notre attention sur la pure durée, tous les moments que nous séparons de façon abstraite « se fondent entre eux comme des aiguilles de neige au contact prolongé de la main ». Lorsqu’on écoute les sonneries d’un clocher, ou que le sucre fond dans une tasse, ou bien encore que les souvenirs et les rêveries se télescopent et se mêlent, dit Bergson, nous ne comptons pas forcément, mais laissons une durée se déployer. Qu’elle soit celle des choses du monde, qui ne se laissent pas toutes mesurer, ou notre propre temporalité, on ne peut pas l’accélérer. On peut en revanche la laisser advenir, l’interroger, et, pourquoi pas, en profiter.

  • On se dépêche par conformisme, par angoisse, par volonté de tout maîtriser. On a toujours de bonnes raisons, mais c’est dommage de ne pas se contenter, aussi, de la pure durée. Pour ne pas se dépêcher, il faut donc apprendre à s’écouter !
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