Henri Bergson

Né le 18 octobre 1859 à Paris d’un père juif polonais et d’une mère anglaise, Bergson est de son vivant une star de la philosophie. On se presse à ses cours au Collège de France où il est nommé en 1900, on le lit et on le commente dans les salons, on lui décerne le prix Nobel de littérature en 1927. 

À une époque où le positivisme et sa foi dans la science et le progrès sont à leur comble, cela peut paraître étonnant. Bergson est en effet le philosophe de l’élan vital, de la durée opposée au temps objectivement mesurable, du refus de réduire la conscience et la mémoire au cerveau.

Dès son premier essai paru en 1889, Bergson trouve son public. L’Essai sur les données immédiates de la conscience introduit l’un de ses concepts phares : la durée. À la différence du temps objectif mesurable par les horloges, la durée correspond à la succession de nos états de conscience, à une multiplicité organisée comme les différents éléments d’une mélodie.

Suit Matière et Mémoire (1896), dans lequel Bergson distingue deux types de mémoires, celle qui fonctionne comme une bibliothèque personnelle d’images et de souvenirs, et celle qui s’ancre dans les habitudes du corps. Mais son essai le plus célèbre reste Le Rire (1900). Le philosophe y analyse le comique comme « du mécanique plaqué sur du vivant », tout en percevant le rire comme une façon de prendre ses distances avec autrui – « l’indifférence est son milieu naturel ».

S’il se méfie de la science qui a selon lui trop tendance à considérer le vivant d’un point de vue mécanique, cela n’empêche pas Bergson de s’approprier les débats scientifiques de son époque. L’Évolution créatrice (1907) fait de l’évolution des espèces un élan vital, créateur de nouveauté, qui anime les organismes et se confond avec « la durée réelle, efficace, qui est l’attribut essentiel de la vie ». Après Darwin, Bergson se confronte à Einstein, mais avec un peu moins de bonheur. Il croit reconnaître sa propre notion de durée dans la théorie de la relativité et l’idée d’un temps relatif au système physique dans lequel l’observateur est pris. Durée et Simultanéité (1922) se compose pour l’essentiel d’équations compliquées… qui s’avèreront complètement fausses, au grand dam de Bergson. 

Son dernier essai, Les Deux Sources de la morale et de la religion, paraît en 1932. Il y établit la distinction entre les « sociétés closes » et les « sociétés ouvertes » : quand les premières reposent sur un ensemble de principes – une morale valable uniquement pour un groupe de personnes donné (la famille, le clan) –, les secondes sont parvenues à bâtir un système de valeurs qui se veulent universelles. À l’approche du second conflit mondial, Bergson est malade. Mais face aux nazis et au régime de Vichy, il répond sans ambiguïté : « J’ai voulu rester parmi ceux qui seront demain des persécutés. » Il réclame l’étoile jaune alors qu’on lui offre le titre d’« aryen d’honneur ». Il meurt le 4 janvier 1941.