Giambattista Vico
« Le vrai et le fait sont équivalents », écrit Giambattista Vico dans De l’antique sagesse de l’Italie (1710). Dieu comprend toute chose car il en est le créateur, le « facteur ». Au contraire, la connaissance humaine est limitée à ce dont l’homme est la cause : les mathématiques, l’art, la société, l’histoire, etc. Et même en ces domaines, il n’est pas de savoir absolu.
Perçue a posteriori comme un acte fondateur dans l’émergence des sciences sociales, cette affirmation est aussi une attaque contre la philosophie naturelle de Descartes, alors dominante en Italie. Cela explique, peut-être, en partie la mauvaise réception des œuvres de Vico qui, de sa naissance dans une famille pauvre en 1668 à son mariage avec une jeune femme illettrée, vécut toujours dans une certaine marginalité.
Pour le philosophe napolitain, l’histoire est un mouvement d’éducation de l’humanité et de progrès de la vérité, sous la conduite de la Providence divine. Cette approche culmine avec la rédaction de Science nouvelle relative à la nature commune des nations, publié en 1725 et remanié en profondeur en 1744, où il expose sa théorie des trois âges.
À l’origine – après le Déluge –, les hommes sont des bestioni, des bêtes sauvages, incapables de vivre ensemble. Seule la religion leur permet de sortir de cet état : effrayés par les phénomènes naturels comme l’orage, les hommes inventent un Jupiter et « sous l’effet de l’épouvante que leur inspire cette divinité qu’ils s’imaginent, ils commencent à retrouver un certain ordre ». La peur fonde la religion, et la religion la société. Les hommes se regroupent en familles au cours de cet « âge des dieux ».
S’ensuit l’« âge des héros » : la barbarie n’a pas entièrement disparu, et les hommes les plus faibles – les famoli – cherchent donc la protection de grands maîtres de famille, qui les défendent en échange de leur asservissement. Mais les famoli se soulèvent bientôt et poussent les chefs de clans à se rassembler dans des aristocraties – premières sociétés vraiment politiques – pour asseoir leur autorité.
Les plébéiens, cependant, n’abandonnent pas leur revendications, et parviennent finalement à obtenir l’égalité. Problème : les démocraties de cet « âge des hommes » se dissolvent à cause des luttes incessantes entre factions. L’ultime régime, pour Vico, doit être la monarchie.
En dépit de cette marche providentielle, l’histoire est marquée par des ricorsi, des retours en arrière, comme le montre l’effondrement de l’Empire romain. Les progrès de l’humanité, pour Vico, sont toujours menacés par l’éternel retour de la barbarie.