Raymond Aron

Philosophe, sociologue, politologue, professeur et journaliste, Raymond Aron est le plus célèbre représentant de la pensée libérale en France après 1945. Condisciple à l’École normale supérieure de Paul Nizan et surtout de Jean-Paul Sartre avec lequel il fonde la revue Les Temps modernes, il perd l’amitié de ce dernier en défendant des idées hostiles au marxisme. Dans L’Opium des intellectuels (1955), Aron montre en effet que la majorité des penseurs d’après-guerre ont abdiqué tout esprit critique à l’égard des « mots sacrés : gauche, Révolution, prolétariat ». Aliénées par les mythes politiques et l’idolâtrie de l’Histoire, les élites se complaisent à dénoncer un système dont elles profitent, notamment en occupant les postes universitaires les plus importants. Aron leur reproche leur manque de réalisme. Penseur de la société industrielle, il estime que le capitalisme mène à la démocratie parce que les profits des entreprises sont sans cesse réinvestis et retournent moins dans les mains de leurs propriétaires que dans la société, ce qui alimente ses contre-pouvoirs. Étudiant de près le système soviétique, il rejoint les conclusions d’Hannah Arendt en conceptualisant la spécificité du totalitarisme, le pire des régimes politiques. Aron est aussi un analyste des tensions internationales. Il en étudie les causes dans les deux volumes de Penser la guerre. Clausewitz (1976) et voit qu’à « l’âge nucléaire », la guerre froide est une « paix belliqueuse » : l’équilibre de la terreur ne se substitue pas au droit mais, prédit-il, engendrera de nouvelles formes de guerres… Il reste néanmoins confiant en l’avenir comme en témoigne la citation d’Hérodote qu’il avait fait graver sur son épée d’académicien : « Nul homme n’est assez dénué de raison pour préférer la guerre à la paix ».

Si la plupart de ses livres (comme Dix huit leçons sur la société industrielle en 1963, Démocratie et totalitarisme en1965, Les Étapes de la pensée sociologique en 1967…) sont issus des cours qu’il a dispensés à la Sorbonne, à l’Institut d’étude politiques, ou encore au Collège de France, ses écrits les plus nombreux viennent de son activité de journaliste. Éditorialiste pendant trente ans au Figaro puis codirecteur du magazine L’Express, Aron crée en 1978 la revue Commentaire dans laquelle écriront la plupart des penseurs libéraux français, y compris des politiques comme Raymond Barre. Alors que Sartre se voulait « compagnon de route du communisme », Aron, lui, se définissait comme « spectateur engagé » de la société libérale.