Vladimir Jankélévitch
Étudiant brillant, résistant actif durant la guerre, ce penseur de confession juive occupa durant trente ans la chair de philosophie morale de la Sorbonne et marqua des générations d’étudiants par son extraordinaire érudition, l’élégance de sa langue et son goût pour l’improvisation. Influencé par Bergson, Jankélévitch pense la morale dans son rapport avec le temps, avec l’instant de la décision. Dans son œuvre majeure, Traité des vertus (1968-1974), il distingue les vertus conservatrices (comme la fidélité, la patience…) et les vertus de l’instant (comme la générosité, le sacrifice) que l’homme ne possède jamais mais qu’il effleure, devenant momentanément un héros ou un saint. Dans le passage des premières aux secondes se manifeste une implication plus grande de la personne et une ouverture du cœur, une sorte de spiritualisation de l’attitude morale qui culmine avec la vertu de l’amour. Il y a donc une gradation des vertus qui les rend de plus en plus incompatibles avec l’égoïsme mais aussi avec le formalisme : agir au nom du Bien ne suffit pas. Car si le devoir ne peut jamais être totalement satisfait, il ne peut être aimable en soi, sans quoi il deviendrait « un jeu esthétique sans contenu éthique ». En morale, c’est l’action réelle et incarnée, et non la pensée, qui compte. C’est pourquoi d’ailleurs Jankélévitch participa à un grand nombre de manifestations, dont celle, en 1979, qui permit de maintenir l’enseignement de la philosophie au lycée. On le surnomma « le marcheur infatigable de la gauche ».
On doit aussi à Vladimir Jankélévitch l’une des premières réflexions sur le devoir de mémoire, qui n’est pas seulement une dette contractée à l’égard des victimes, mais une obligation due aux générations futures car « le passé ne se défend pas tout seul » (L’Imprescriptible, 1986). C’est ainsi le devoir de mémoire lui-même qui est imprescriptible. Il devra toujours être respecté et honoré pour que la démocratie se protège contre le retour toujours possible du totalitarisme. Difficilement classable, parce que ses spéculations portent aussi bien sur la métaphysique de la mort que sur la figure de l’aventurier ou sur celle du nostalgique, Jankélévitch fut également un fin musicologue et, en particulier, un analyste des œuvres des compositeurs français du début du XXe siècle qu’il admirait (Fauré, Debussy, Ravel). Ses méditations sur le charme de l’ineffable et du silence font de lui un penseur original de l’esthétique. Les titres de certains de ses livres, comme Le Je-ne-sais-quoi et le Presque rien (1957), sont par eux-mêmes une invitation à entrer dans sa pensée.
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