Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Une salle de classe d’un lycée en 2020. Photo d'illustration. © Olivier Coret/SIPA

À l’air libre

Fin du masque : un jeune enseignant raconte l’“émotion” retrouvée

Clément Filippi publié le 17 mars 2022 3 min

Démarrer sa vie de professeur en portant un masque : c’est ce qu’ont vécu tous ceux qui ont commencé le métier d’enseignant à l’ère de l’épidémie. Ces jeunes professeurs n’avaient jamais jamais vu le visage de leurs élèves ! Mais, en France, depuis le lundi 14 mars 2022, ils ont enfin pu découvrir leur classe à visages découverts.

Clément Filippi, professeur stagiaire de 26 ans, enseigne la philosophie à des classes de terminale depuis six mois à Massy (Essonne). Il raconte ce « bas les masques » général, un événement à la fois joyeux et déconcertant, qui révèle – derrière les sourires et les petites grimaces – quelque chose de la personnalité des élèves… et du professeur. Témoignage.

 

La sonnerie retentit et mon pouls s’affole. Un jeune prof stagiaire comme moi, en poste depuis septembre au lycée Fustel-de-Coulanges à Massy (Essonne), met quelques mois avant de dompter le trac qui s’empare du corps à l’arrivée des élèves. Comme à mon habitude, je suis déjà installé dans ma classe, la porte fermée. Pour la première fois, en l’ouvrant pour accueillir mes 34 terminale, je vais les découvrir sans masque. Nous sommes en mars, mais je m’apprête à vivre une première : faire cours à mes élèves dans des conditions normales. Ce matin de mars a des airs de rentrée, et même si mon cours sur Spinoza est prêt, je me sens terriblement vulnérable, je le confesse.

Oh ! certes je les connais mes deux classes de terminale générale, et ce n’est pas en découvrant leur nez que j’en apprendrai davantage sur leur compte. C’est qu’on n’apprend rien de plus à la vue d’un menton. Je connais leur regard, leur posture, leur niveau en philosophie bien sûr, et il n’y a que cela qui compte. Les yeux et la parole enseignent déjà presque tout. En revanche, ce que révèlent le nez et la bouche est d’une autre nature.

“C’est désormais toute la spontanéité des émotions les plus vives que je vais devoir apprendre à déchiffrer”
Clément Filippi, professeur stagiaire de philosophie

 

En un sens, le masque à l’école avait résolu d’une façon brutale et violente, comme un uniforme universel et grotesque, un vieux problème pédagogique : séparer l’individu de l’élève. La personnalité serait un métal trop lourd pour la laisser peser sur l’esprit adolescent qui suit péniblement le cours. Mais, par le masque, c’est tout un pan de la spontanéité personnelle qu’on étouffait. Et la voilà soudain qui ressurgit dans les moues, les ricanements, les déformations labiales du mépris ou de l’enthousiasme. Le bas du visage est le réceptacle de toutes les émotions. Je pouvais encore déceler l’ennui ou l’intérêt dans le plissement des yeux. Mais c’est désormais toute la spontanéité des émotions les plus vives que je vais devoir apprendre à déchiffrer.

Et que dire de ma propre liberté bucco-nasale ? J’ai souvent caché un rire franc derrière le masque. Que diront-ils lorsqu’ils verront que, moi aussi, je souris aux idioties de l’amuseur du fond de la classe ? Sous le coup de l’agacement, j’avais pris l’habitude de grimacer outrageusement derrière ma camisole comme pour passer mes nerfs. Quel genre de pantalonnade en cul-de-poule inventerai-je désormais pour dissimuler une passion soudaine ?

Un professeur est toujours en représentation, et la classe est un théâtre. Et c’est comme si brusquement on m’enlevait la pièce centrale d’un costume derrière laquelle mon intimité se dissimulait jusqu’alors. Oui, cette fripe apparemment sans importance avait façonné à elle seule ma personnalité d’emprunt, celle du professeur qui, même sans le masque, oppose toujours une façade. Et je me rends compte que, sans elle, un flottement certes bref viendra perturber mon rapport à mes classes.

C’est aussi au moment de l’enlever qu’on aperçoit enfin tout le mal qu’il a causé. Pas du genre dictateur, j’ai peu souvent reproché à mes élèves de porter le masque à la mode hétérodoxe. Mais combien de répressions, d’heures de colle et finalement de névroses au nom d’un protocole illisible et sans doute inefficace ? Le masque tombe – à nos pieds ! Et nous le piétinerons en chœur dans un élan de joie et d’ardeur. Et s’il fallait qu’ils nous l’imposent encore, je leur lirai, à mes élèves, cette ligne de Spinoza : « Vouloir tout corriger par des lois, c’est irriter les vices plutôt que les corriger. »

Expresso : les parcours interactifs
Kant et la raison
Pourquoi continuons-nous à nous prendre la tête sur des concepts abstraits, invérifiables, comme Dieu ou la liberté humaine ? C'est à cause de la manière dont est construite notre raison ! La réponse avec le plus brûlant des philosophes allemands : Emmanuel Kant.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
7 min
Alain Vaillant : “En riant d’une blague scatologique, on rit de la dimension organique du rire lui-même”
Ariane Nicolas 16 avril 2022

L’émission diffusée sur Amazon Prime Video LOL. Qui rit, sort ! séduit le public. Elle impose à dix humoristes regroupés dans une pièce de ne…

Alain Vaillant : “En riant d’une blague scatologique, on rit de la dimension organique du rire lui-même”

Dialogue
18 min
Marcel Gauchet-François Héran : la liberté d’expression a-t-elle des limites ?
Martin Legros 03 décembre 2020

L’assassinat de Samuel Paty, professeur qui avait montré des caricatures de Mahomet à sa classe dans le cadre d’un cours sur la liberté d…

Marcel Gauchet-François Héran : la liberté d’expression a-t-elle des limites ?

Bac philo
4 min
Corrigés du bac philo – filière technologique : “La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?”
Frédéric Manzini 15 juin 2022

Lorsqu’on obéit, par définition, on se soumet. À première vue, la liberté suppose donc l’absence d’obéissance. Mais cette définition de la liberté…

Corrigés du bac philo – filière technologique : “La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?”

Article
3 min
« Anonymous » Une inquiétante hilarité
17 juillet 2012

En se parant du visage souriant de Guy Fawkes, conspirateur anglais du XVIIe siècle popularisé par la bande dessinée V pour Vendetta, certains « indignés » se masquent pour lutter contre un ennemi réputé sans visage. Se cacher derrière…


Article
2 min
“Joker”, sous le masque du rire
Michel Eltchaninoff 17 octobre 2019

En racontant la jeunesse du futur adversaire de Batman, le cinéaste Todd Phillips interroge dans Joker (actuellement en salles) l’ambivalence du…

“Joker”, sous le masque du rire

Article
9 min
Une brève histoire du rire
Philippe Garnier 24 avril 2013

Le comique voyage de façon imprévisible. Il y a quelques années, j’emmène mon fils âgé de 10 ans voir un film des Marx Brothers : seuls les quadragénaires hurlent de rire, sous l’œil perplexe des enfants. Deux ans plus tard, je suis…


Article
3 min
Le rire, un art de vivre ?
Jean-Marie Durand 29 mars 2022

Quand un humoriste, Jos Houben, et un philosophe, Christophe Schaeffer, dialoguent, c’est pour parler du rire, bien sûr, de ce qui, en lui,…

Le rire, un art de vivre ?

Article
3 min
Angélique Del Rey : “Cette pandémie devrait être l’occasion de réfléchir différemment à la santé humaine”
Alexandre Lacroix 11 décembre 2020

Si la pandémie a révélé une chose, c’est au moins le « modèle guerrier » de nos politiques de santé. Le discours martial d’Emmanuel…

Angélique Del Rey : “Cette pandémie devrait être l’occasion de réfléchir différemment à la santé humaine”

À Lire aussi
Adrien Louis : “Pour revaloriser le métier d’enseignant, il faut d’abord revaloriser le désir de savoir”
Adrien Louis : “Pour revaloriser le métier d’enseignant, il faut d’abord revaloriser le désir de savoir”
Par Marius Chambrun
juin 2022
Dis-moi quel est ton sourire…
Dis-moi quel est ton sourire…
Par Ariane Nicolas
octobre 2020
Pourquoi les visages masqués nous attirent
Pourquoi les visages masqués nous attirent
Par Mariette Thom
mars 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Fin du masque : un jeune enseignant raconte l’“émotion” retrouvée
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse