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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Le livre du jour

“21 Penseurs pour 2021”

Nicolas Gastineau publié le 07 janvier 2021 5 min

Sans précédent ! Effondrement écologique, crise sanitaire mondiale, attentats terroristes, nouveaux populismes et jusqu’à l’invasion du Capitole hier soir par des militants pro-Trump… Chaque événement semble s’ingénier à tenir au mot d’ordre de notre époque – du jamais vu. 

Précisément, comment regarder ce qui n’a jamais été vu ? Quand l’époque avance à tâtons, dans le noir et l’improvisation, comment la philosophie peut-elle scruter le présent avec le justesse ? C’est cette inquiétude qui fonde le recueil 21 penseurs pour 2021, une sélection par l’équipe de Philosophie magazine des textes les plus marquants publiés dans la presse internationale l’année passée. Pankaj Mishra y diagnostique la faillite du modèle libéral quand Hartmut Rosa voit poindre un espoir derrière le ralentissement des sociétés confinées. Martha Nussbaum se fait l’interprète de l’éthique de la colère contemporaine quand Nadia Yala Kisukidi explore le déploiement de la joie africaine. Paul Sebillotte propose une lecture anticapitaliste des pandémies qui résonne avec la controverse sur le racisme du capitalisme entre Michael Walzer, Olúfẹ́mi Táíwò et Liam Kofi Bright. 

Dans ce livre, ces penseurs tracent des sentiers au milieu de la confusion. Il ne faut pas les voir comme des lignes solitaires mais plutôt comme des carrefours. Reliés les uns aux autres, ils donnent du sens au présent et honorent la responsabilité de la philosophie : ne jamais cesser de penser l’événement. 

 

Une année sui generis

En 2020, les tourments du monde nous ont coûté parce qu’ils donnaient l’impression de surgir, sans qu’on y soit préparés et sans précédent auquel se référer. En droit, on parle de phénomène sui generis (en latin, « qui est de son propre genre ») pour désigner une situation juridique dont la singularité et la nouveauté sont telles que l’association à des textes existants est impossible. Pour dompter ce sui generis, il faut alors de nouveaux textes et de nouveaux mots. 

C’est bien le défi que relève le philosophe Bruno Latour (dans l’article « Comment atterrir ? ») en rappelant que pour « imaginer ce que peut vouloir dire une mutation écologique », il est urgent de repenser des notions comme « la vie », « la bonne vie » ou « la santé ». Il appelle d’ailleurs à changer non seulement les notions mais aussi l’État lui-même, « toujours à réinventer ». 

Une mission également poursuivie par la juriste Mireille Delmas-Marty (dans « La justice mondiale en mouvement »), qui rappelle que « notre conception de la souveraineté doit être renouvelée » sans en revenir aux vieilles antiennes : « l’universalisme est trop ambitieux et le souverainisme, par repli sur les communautés nationales, trop frileux ». En matière de justice internationale, il faut assumer de « bricoler » et de « faire du neuf avec de l’ancien », assume-t-elle. Ainsi, pour protéger l’Amazonie internationalement sans retirer au Brésil sa souveraineté, on pourrait passer d’une « souveraineté solitaire » à une « souveraineté solidaire », où chaque État est tenu par tous les autres à la protection des biens communs mondiaux. 

L’effort de renouvellement des mots de Latour et Delmas-Marty est vertueux, mais attention à ce qu’il ne se transforme pas en « noble fanfaronnade », avertit Maurizio Ferraris à la fin du recueil (dans « Save The Planet ou sauve qui peut ? »). Essayons-nous vraiment de sauver la planète, alors qu’elle nous survivra de toute façon ? N’essayons-nous pas, plus modestement, de nous sauver nous-mêmes ? Un appel à la sincérité qui rappelle que déconstruire les mots n’exclut pas d’être critique… de soi.

 

Les racines des tourments

Ces événements qui surgissent, qui font irruption dans le réel, nous donnent l’impression de venir de nulle part. Ne nous y trompons pas : on les dit sans précédent mais il ne faut pas pour autant les croire sans cause. 21 penseurs pour 2020 le montre bien : et si ce « jamais vu » était en fait déjà là depuis toutes ces années, mais simplement invisible ? #BlackLivesMatter et #MeToo, ces deux mouvements de masse ont précisément pour but de faire apparaître et d’exposer des violences insoutenables mais pourtant millénaires. 

Pour la sociologue Eva Illouz, ces mouvements révèlent cruellement la « vulnérabilité des corps » des minorités, afro-américains et féminins en l’espèce : les premiers sont contrôlés, fouillés, mis à terre, étouffés à mort ; les secondes sont touchées, caressées, pénétrées et tuées. La ligne que Eva Illouz trace alors entre les dominants et les dominés, c’est que les premiers s’autorisent à toucher les corps des seconds, alors qu’un « corps qu’on peut toucher à volonté est un corps dévalorisé ». 

Un autre jamais-vu qui était pourtant déjà bien en germe : « La faillite du modèle libéral » de Pankaj Mishra. La Chine, le vieil empire millénaire jusqu’alors endormi, est apparu comme « le plus formidable représentant du décisionnisme étatique », irrespectueux des droits humains mais toujours plus puissant, tandis que nos démocraties occidentales doutent et s’essoufflent. L’auteur indien nous lance un appel vital à l’humilité pour « éviter une chute catastrophique ». 

 

Les ressources à notre disposition

De ce recueil émerge aussi de l’espoir : l’irruption de ces grands drames est simultanément douloureuse et pleine de promesses, car elle représente l’opportunité inouïe de les corriger. Hartmut Rosa dresse un constat imparable à ce sujet. Observant la mise à l’arrêt soudaine des économies occidentales pendant le confinement, il souffle : « nous pouvons donc ralentir ». Alors qu’on pensait que le politique ne pouvait plus rien, voilà qu'il prouve incontestablement « sa primauté normative » sur le reste, sa capacité à engager des décisions immenses et anti-économiques pour le bien de la vie humaine. Ce fait, qui servira de preuve à toutes les luttes de l’avenir, inaugure une situation nouvelle, créatrice : ce que Hannah Arendt nomme « natalité ». 

L’autre ressource qu’il faudra mobiliser à bon escient, c’est la colère : légitime devant les injustices, vertueuse pour les corriger, nécessaire pour mettre en action les victimes. Pour la canaliser, Martha Nussbaum en propose justement une éthique contemporaine à partir d’une savoureuse analyse d’une tragédie d’Euripide. 

Et la colère n’est pas la seule émotion qui peut nous porter. Il y aussi la joie : la laetitia africana de Nadia Yala Kisukidi. « Lutter contre l’oppression exige de l’imagination politique : inventer ce qui ne l’a pas encore été. […] Pour cela, il faut beaucoup de ressources vitales – la joie annule le sentiment de fatigue. » L’année 2020 était une grande tempête d’émotions, nous avons en 2021 la responsabilité de prouver cette phrase d’Aimé Césaire que cite Yala Kisukidi : « Malgré le malheur qui n’est pas nié, c’est en définitive, malgré tous les avatars, la vie plus forte que la mort. » 

 

21 Penseurs pour 2021 vient de paraître chez Philosophie magazine Éditeur. Cet ouvrage collectif est disponible chez votre libraire ainsi que sur la boutique de notre site.
Vous pouvez également vous procurer son prédécesseur, 20 Penseurs pour 2020.

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