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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Lors d’une manifestation à Paris, le 21 novembre 2020, un journaliste tente d'interroger un membre des forces de l’ordre avec une fausse caméra à l'épaule pour moquer la loi de Sécurité globale imposant de flouter le visage des policiers filmés ou photographiés dans l’exercice de leurs fonctions. © Édouard Monfrais/Hans Lucas via AFP

À chaud

Agression policière de Michel Zecler : qui surveille les surveillants ?

Octave Larmagnac-Matheron, propos recueillis par publié le 27 novembre 2020 4 min

« Insoutenable », « scandaleux », « choquant », « indigne » : la vidéo de l’agression de Michel Zecler, un producteur de musique passé à tabac par trois policiers samedi dernier, est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux. Quinze minutes de la brutalité la plus crue, accompagnée de son lot d’insultes racistes. 

La scène est la dernière d’une longue série de manifestations de la violence policière dont les victimes ont eu la « chance » qu’elles soient filmées. Les images de l’évacuation des migrants, place de la République, sont encore dans toutes les têtes. Mais combien d’autres actes de violence ignorés, contestés, niés pour absence de preuve, parce qu’ils ne se sont pas déroulés sous le regard d’une camera ? Les événements récents nous montrent que les nouveaux dispositifs techniques de surveillance, du téléphone portable au réseau Internet, ne peuvent concourir à la sécurité de tous que s’ils sont aussi appropriables par les citoyens, et ce afin de servir de garde-fou face aux violences policières. C’est cet équilibre entre surveillance et « sousveillance » qui fait défaut à la loi « sécurité globale ». 

  • Cela fait quelques années qu’on la voir revenir au cœur de l’actualité : la violence brute, le corps à corps de la police avec les citoyens. De la répression des manifestations de « gilets jaunes » au tabassage gratuit d’un producteur de musique dans son studio, cette semaine, en passant au démantèlement d’un camp de migrants place de la République à Paris, sans oublier l’assassinat en pleine rue, sous le pied de la police, de George Floyd aux États-Unis, tout se passe comme si les corps des citoyens étaient de nouveau la cible de la violence d’État. En contradiction avec le grand principe de la modernité politique, qu’on croyait pourtant définitivement acquis, l’inviolabilité des corps. 
  • Le respect de l’inviolabilité du corps du citoyen est en effet, comme le montre le philosophe anglais John Locke, l’un des traits caractéristiques de la modernité politique. « Incapable de disposer de sa propre vie, l’homme ne saurait, ni par voie conventionnelle, ni de son propre consentement se faire l’esclave d’autrui, ni reconnaître à quiconque un pouvoir arbitraire, absolu de lui ôter la vie à discrétion », souligne-t-il dans le Deuxième Traité du gouvernement civil. Pour Locke, chaque homme possède le droit inaliénable de disposer de son propre corps, sur lequel l’État ne doit pas avoir d’autre emprise que la sanction judiciaire. Habeas corpus, « sois maître de ton corps », selon la traduction (en fait erronée) du plus célèbre texte de loi anglaise, adopté en 1679. L’État est le meilleur rempart contre le déchainement de la violence des corps contre les corps. À condition d’user du monopole de l’usage de la violence dont il dispose avec précaution, et en respectant justement l’intégrité des corps. 
  • D’un point de vue pratique, la violence physique est néanmoins longtemps demeurée un impératif indépassable pour les États. Mais la technologie moderne offre désormais au pouvoir d’autres modes de contrôle, de « maintien de l’ordre », beaucoup plus indirects, sophistiqués, raffinés – plus « sournois », diraient certains. Des moyens puissants, dangereux, sans aucun doute – mais qui laissent, cependant, intacts (au sens littéral : « intouchés ») les corps. Que chacun se pense surveillé, et chacun s’autocensure. La discipline par la violence devient superflue.
  • La réalité, pourtant, nous revient de plein fouet : la violence physique illégitime n’a jamais disparu des usages de la police. Des « gilets jaunes » français éborgnés et mutilés à George Floyd, de l’autre côté de l’Atlantique, nous en recevons le témoignage régulièrement. Et ce sont précisément ces moyens technologiques que l’on pensait aux mains des instances de disciple, de contrôle, de surveillance, qui donne à cette réalité sa visibilité. Pour défendre les corps, nous avons aujourd’hui besoin de ces outils de surveillance dont on avait cru qu’ils mettraient fin à la police du corps à corps. Tel est le principe de la « sousveillance » théorisée par l’ingénieur Steve Mann : opposer à la surveillance secrète des instances de contrôle une veille citoyenne dont les images, les observations, doivent être diffusées le plus largement possible. 
  • La loi « sécurité globale » est ambiguë du point de vue de cette dialectique entre violence physique et surveillance à distance. Elle semble exiger le développement des pratiques et des outils de surveillance. Mais, dans le même temps – du fait de l’interdiction de diffuser les images des visages de policiers et peut-être de l’obligation pour les journalistes d’être accrédités pour couvrir les manifestations –, ce développement de la surveillance paraît servir un autre objectif que lui-même : réaffirmer la mainmise du pouvoir sur les dispositifs techniques pour désamorcer les pratiques de sousveillance. Et c’est là le coeur de la polémique que suscite ce projet de loi, car dans les failles de la sousveillance, dans le secret qui assure l’impunité, fleurit la violence physique.

 

Pour aller plus loin
> Notre article consacré à la loi de surveillance globale
> Notre article consacré à la « sousveillance » expliquée par le film Un pays qui se tient sage, de David Dufresne

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