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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Vitto Sommella/Unsplash

Grandeur nature

Faut-il donner des droits aux arbres ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 10 décembre 2021 4 min

Le 24 novembre, le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, présentait le second volet de son projet de végétalisation urbaine, « Bordeaux grandeur nature ». Au programme : la plantation de 1 600 arbres dans l’agglomération. Mais aussi, à l’arrière-plan, l’instauration d’un nouveau rapport entre la municipalité et les végétaux sur son territoire, qui seront désormais considérés « comme des être vivants et non comme du simple mobilier urbain ». Hurmic a en effet signé, dans la foulée, la « Déclaration des droits de l’arbre » de l’association A.R.B.R.E.S. Un engagement qui prolonge son souci d’une politique plus respectueuse des autres formes de vie : récemment, un opérateur de la ville avait ainsi été contraint de replanter vingt-cinq arbres après en avoir endommagé dix. Mais l’idée de « droit des arbres » va plus loin : elle impliquerait de conférer à des vivants non-humains une forme de personnalité juridique. Une idée défendue il y a cinquante ans par le juriste Christopher Stone dans un article marquant, « Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? » (1972).

 

  • L’article publié par Stone en 1972 est d’abord un texte de circonstance, qui vise à influencer la Cour suprême des États-Unis dans une affaire opposant la société Walt Disney et une association de défense de la nature nommée Sierra Club. Au cœur du procès : un projet de station de sports d’hiver porté par le géant du divertissement qui menace de défigurer une magnifique vallée célèbre pour ses séquoias. Les protestations du Sierra Club, si elles suscitent une certaine attention du public, ne parviennent pas à trouver de débouché juridique : aucun intérêt personnel n’est menacé par le projet de Walt Disney, selon les juges. Et si l’on prenait en compte les intérêts « vitaux » des arbres ? C’est ce que propose Stone. Le procès de l’association écolo sera finalement perdu. Mais l’idée ne cessera de gagner en popularité.
  • Le point de départ de Stone est simple : nous n’accordons d’attention aux « objets naturels » qu’indirectement, dans la mesure où ils « s’alignent sur les intérêts économiques d’humains identifiables » qui en sont les « propriétaires ». Dans certains cas, cela suffit à les protéger. Mais pas toujours – et c’est bien le problème. C’est pour pallier ces lacunes, qui autorisent de fait d’inacceptables destructions, que Stone propose de reconnaître des « droits juridiques » aux entités naturelles.
  • Encore aujourd’hui, l’idée paraît parfois saugrenue. À l’époque, elle est quasiment « impensable », note Stone. Ce fut pourtant le cas, note le juriste philosophe, de bien des projets d’extension de la sphère de la personnalité juridique. « Tout au long de l’histoire, chaque extension successive de droits à une nouvelle entité a été d’abord inaudible. Nous sommes enclins à supposer que l’absence de droits des “choses” sans droit est un décret de la nature, et non une convention juridique fondée sur un statu quo. » Ces évolutions ont bien eu lieu, pourtant. « L’enfant était moins qu’une personne : un objet, une chose. Les droits légaux des enfants sont depuis longtemps reconnus en principe et continuent de s’étendre dans la pratique. […] Nous avons fait de même, quoique de façon imparfaite diront certains, avec des détenus, les étrangers, les femmes, les fous, les Noirs, les fœtus et les Amérindiens. » Mais le droit s’est aussi étendu au-delà de la seule sphère humaine : « Le monde des avocats est peuplé d’ayants-droit inanimés : trusts, corporations, co-entreprises, municipalités, etc. »
  • Pourquoi, alors, ne pas conférer des droits à des vivants non-humains ? Ils ne peuvent pas parler, ester, se défendre au tribunal, entend-on souvent. L’argument est déconstruit par Stone. « Les entreprises ne peuvent pas parler non plus », pas plus que les nourrissons (infans, qui signifie littéralement l’incapacité à utiliser le langage). Ces différentes entités légales sont représentées par un individu ou un groupe d’individus qui parle en leur nom, qui explicite leurs intérêts au tribunal. C’est sur ce modèle qu’il faut penser les droits de la nature, pour Stone : « Je crois qu’il est possible de traiter les problèmes juridiques des objets naturels comme on traite les problèmes des êtres humains dans un état végétatif (sic) » ou atteints de « sénilité ». Dans ces cas, « quelqu’un est désigné par le tribunal et disposera de l’autorité pour gérer les affaires de l’incompétent ». Tel est le rôle d’un « tuteur » (on appréciera l’image végétale) ou d’un « garant », dont Stone propose d’étendre le principe. Les « amis » de la nature ne manquent pas, pour remplir ce rôle.
  • Ne risque-t-on pas, tout de même, de dissoudre le sens du droit en lui conférant une portée trop large ? Ne risque-t-on pas, pour le dire très directement, de faire d’une vie d’arbre une réalité aussi importante qu’une vie humaine ? Pas nécessairement, réplique Stone. « Les sociétés ont des droits, mais elles ne peuvent pas invoquer le cinquième amendement. » Ainsi, « dire que l’environnement devrait avoir des droits ne revient pas à dire qu’il devrait bénéficier de tous les droits imaginables, ou des mêmes droits que les êtres humains. » Il n’est absolument pas question de dire que « personne ne devrait être autorisé à couper un arbre ». Un certain nombre de systèmes juridiques autorise l’exécution de leurs citoyens. La personnalité juridique n’a jamais une portée illimitée.
À lire aussi : vers une reconnaissance de la Loire comme entité juridique ?
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