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Capture d’écran vidéo ©Música para despertar

Un classique éclaire le présent

La mémoire par la danse

Hannah Attar publié le 22 novembre 2020 3 min

Une vidéo est devenue virale ces dernières semaines – et elle ne parle ni de virus, ni de fake news, ni de Trump. Alors que résonnent les premières notes du Lac des cygnes, on y voit Marta Cinta, ancienne ballerine espagnole désormais en chaise roulante, s’illuminer lentement. Elle tente d’abord d’esquisser quelques mouvements, puis renonce, se décourage. Finalement elle se reprend, et dessine de ses mains la chorégraphie du ballet de Tchaïkovski, pendant plusieurs minutes, avec une grâce et une minutie saisissantes.

Cette vidéo a été publiée par l’association « Música para despertar » (« la musique pour s’éveiller »), qui se rend dans des maisons de retraite, dont celle de Valence où la ballerine habitait alors, pour faire écouter de la musique à leurs résidents. Marta Cinta est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mais si la musique fait partie des souvenirs les plus persistants chez les personnes touchées par cette maladie, c’est ici par le corps que la mémoire se réactive. Cette séquence, très courte et filmée au téléphone portable, tire sa puissance de ce qu’elle donne à voir, dans un grand dénuement, le dialogue qui se (re)noue entre le corps et l’esprit, illustrant la thèse de Paul Ricœur selon laquelle le corps est un instrument forgé par le projet de chacun.

 

  • Le corps, tout un projet. L’existence d’un homme est dirigée par les projets qui sont les siens, des projets qui s’inscrivent dans ses gestes et dessinent ses muscles. Il en va ainsi du musicien qui, avec comme projet existentiel la maîtrise de son art, voit ses doigts s’allonger et le mouvement de ses avant-bras s’assouplir au fil des répétitions. Ou de la ballerine, dont l’entraînement la pousse à une précision millimétrée dans chacun de ses gestes dansés. Il est dès lors impossible de considérer, à l’instar des théories dualistes, comme celle de Descartes, que le corps ne soit qu’une enveloppe superflue. En réalité, le corps permet l’esprit, et en retour, l’esprit sculpte le corps.
  • Contre Locke. Paul Ricœur dirige spécifiquement cette critique à l’encontre de John Locke, l’un des premiers penseurs de l’identité, alors qu’émerge au XVIIe siècle la notion d’individu. Soucieux de trouver « le » critère qui rendrait compte de l’identité d’une personne, Locke s’arrête finalement sur celui de la mémoire : je suis ce dont je me souviens. L’argument est radical – une personne touchée d’amnésie n’en perd pas seulement son latin, mais aussi son identité. Pour pousser son propos, Locke a recours à l’exemple d’un savetier et d’un prince. Un beau jour, le prince se réveille dans le corps du savetier. Il a tous ses souvenirs du Prince, mais est comme enveloppé dans le corps d’un autre. Convient-il alors de lui tirer la révérence, ou de lui apporter ses souliers pour les faire réparer ? Pour Locke cela ne fait aucun doute, s’il a des souvenirs de pigeons confits et de dorures, il est le prince. 
  • La mémoire est avant tout corporelle. Cette autonomie totale de l’esprit sur le corps, cette façon de faire « comme si l’expression de la mémoire n’était pas un phénomène corporel », ne satisfait pas Paul Ricœur, grand penseur de l’identité. Dans Soi-même comme un autre (Seuil, 1990), il s’étonne : « Comment la mémoire du prince pourrait-elle ne pas affecter le corps du cordonnier au plan de la voix, des gestes, des postures ? » Pas de doute, à voir la minutie des gestes de Marta Cinta et la danse de ses doigts graciles, que toute une vie de ballerine s’est inscrite dans ce corps, et que l’acuité de sa mémoire psychologique n’a pas grand-chose à voir à cela. « À la mémoire est attachée une ambition, une prétention, écrit Ricœur, celle d’être fidèle au passé. » C’est peut-être ce qu’il y a de lumineux en regardant Marta Cinta : son effort pour se remémorer la chorégraphie qu’elle a tant dansée, et pour être fidèle au souvenir qu’elle a de ces quelques notes, finit par laisser place à ce que Ricœur décrivait comme « l’étonnement de sentir que “ce” corps répond au rythme de la valse. »
L’identité narrative chez Paul Ricœur
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