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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Le pont de l’A15 à Argenteuil, près duquel Alisha était venue retrouver sa camarade. Le corps de la jeune fille de 14 ans a été retrouvé dans la Seine, quai de Saint-Denis à Argenteuil, sous le pont ci-dessus. © PhotoPQR/Le Parisien/Arnaud Journois/Maxppp

Fait divers

L’enfance, un âge sans pitié ?

David Pargamin publié le 12 mars 2021 4 min

À chaque crime, la violence des enfants rappelle aux adultes cette dure vérité qu’il n’y pas d’âge pour commettre le pire. En début de semaine, Alisha, une jeune fille de quatorze ans, a été brutalement agressée par un couple d’adolescents dans la banlieue d’Argenteuil. Pour d’obscures raisons de vengeance, le jeune duo, un garçon et sa petite amie de quinze ans, ont tendu à la victime un guet-apens sur les berges de la Seine, et, après l’avoir rouée de coups, l’ont ensuite jetée, blessée, dans le fleuve où elle serait morte par noyade. Cette scène d’une rare brutalité nous révèle une façade plus sombre de la jeunesse, celle des enfants meurtriers.

Si elle reste largement inexplorée de la philosophie, la délinquance des (très) jeunes puise dans le répertoire pourtant bien connu des historiens des faits divers et des meurtres inclassables. L’historien Denis Crouzet rapporte ainsi le rôle des enfants-bourreaux, au XVIIe siècle, qui s’amusaient à saccager les cadavres des ennemis huguenots pendant les guerres de religion. Plus près de nous, les exemples ne manquent pas de violences commises par ces criminels tout juste pubères, mais souvent ignorants ou inconscients de la gravité de leurs gestes.

Cela n’empêche pas toute une tradition morale de maintenir l’enfance comme une période qui resterait préservée du mal, quels que soient la violence et les crimes réels que peuvent commettre les plus jeunes. Et peu nombreux, d’ailleurs, sont les philosophes à avoir osé « dire du mal » des enfants. Au nombre des exceptions, il faut citer le cas de John Locke, le penseur anglais, qui, dans ses Quelques pensées sur l’éducation (1693), aborde avec courage la question de « l’instinct de cruauté chez l’enfant ». Une réflexion pour le moins inhabituelle qui pourrait se résumer en trois points.

 

  • Les enfants sont des petits cartésiens. Locke commence par se pencher sur une violence bien connue chez les enfants, celle qui prend la forme de la cruauté, envers les animaux en particulier. Il remarque que l’on passe souvent aux enfants cette manie de « maltraiter toutes les pauvres créatures qui sont en leur pouvoir ». Si personne ne les en empêche, « ils traitent cruellement les oiseaux, les papillons et autres petites bêtes qui tombent entre leurs mains, et cela avec une sorte de plaisir », note-t-il dans ses observations. « L’enfant martyrise les animaux, le plus souvent, sans se douter qu’il leur fait du mal. Il torture un chat comme il éventre sa poupée, pour exercer son besoin d’activité et pour satisfaire sa curiosité ». Locke en conclut que « tout enfant est un petit cartésien sans le savoir » quand il veut ouvrir les corps, disséquer pour voir, mettre son œil à l’intérieur. À la recherche de nouvelles connaissances, il frappe, torture, et parfois même tue. Mais sans véritable méchanceté. Sa cruauté est alors indissociable de son désir de connaître. 
  • L’imitation des grands. Reste que cette première forme de cruauté prend un tour plus problématique et déroutant lorsqu’elle se retourne contre ses semblables, ses camarades. On bascule alors dans une forme de méchanceté apparemment intentionnelle qui ne peut plus vraiment s’expliquer par le désir de connaître. Aussi Locke introduit-il une distinction. Dans ces situations-là, même lorsqu’il semble prendre du plaisir à faire souffrir, l’enfant obéirait en réalité à une disposition à imiter les adultes. « Ce plaisir que les enfants trouvent à faire du mal, c’est-à-dire à détruire les choses sans raison, et plus particulièrement le plaisir de faire souffrir un être sensible, ne saurait être selon moi autre chose qu’une inclination acquise et étrangère à la nature, une habitude qui résulte de l’exemple de la société. » Les petits ne sont donc pas méchants par nature, mais déformés par leur désir de grandir au plus vite – car les enfants aiment être traités comme des êtres de raison, nous dit Locke – et de ressembler aux adultes, à qui il arrive d’adopter, devant eux, des comportements violents. Sans compter tous les récits qu’ils délivrent très tôt aux enfants et qui sont remplis des scénarios de violence. 
  • L’apprentissage éthique, ou comment faire le tri entre les bonnes et les mauvaises imitations. Il reste que Locke éprouve un certain malaise devant la cruauté des enfants. « Il faut, je crois, les surveiller attentivement sur ce point », admet-il, car on aurait vite fait de voir un enfant devenir violent si son éducation ne pouvait être corrigée par « une méthode lente et douce ». Pour éviter que l’esprit des enfants ne s’habitue à la violence qui est partout présente dans la vie mais aussi la culture, des traditionnels contes pour enfants aux jeux vidéo d’aujourd’hui, il faut les aider à désapprendre tout ce qui pourrait être rentré dans leur esprit (cette « table rase ») par imitation sociale ou imprégnation culturelle. Sans oublier, cette étrange habitude qu’adoptent parfois les adultes devant eux et qui consiste à « rire » lorsque l’on frappe les autres. Comment faire place la violence enfantine sans présupposer une méchanceté innée ? Et comment éduquer les enfants pour leur apprendre à surmonter leur propre cruauté ? À suivre Locke, l’éducation morale des enfants implique d’abord d’assumer la violence, celle qui est en chaque enfant autant que celle qu’il capte dans leur fréquentation des adultes. Ensuite, compte tenu de leur imprégnation par les adultes, il s’agit de leur apprendre à faire la part entre les bonnes et les mauvaises imitations. À se défaire de tout ce que les enfants criminels, au moment de leur acte, répètent sans le comprendre, ni même s’en rendre compte.
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